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emmanuelle

Intervention Emmanuelle Bonnet Oulaldj

emmanuelle ouladjMadame la Maire,
Monsieur le Maire, Monsieur le conseiller départemental,
Mesdames les députées,
Chers ami-es,

Tout d’abord, je souhaiterais remercier très sincèrement le comité du souvenir de Châteaubriant pour cette cérémonie, et évidement que le comité départemental FSGT de la  Sarthe qui met un honneur chaque année à faire vivre la mémoire d’Auguste Delaune. C’est très important pour nous. Merci également au comité d’avoir organisé une belle  randonnée au départ d’Arnage, à laquelle j’ai pris plaisir de prendre part.

Le 12 septembre dernier, jour des 80 ans de sa disparition, nous lui avons rendu hommage avec Gérard Dizet, coprésident de la FSGT, sur sa stèle aux côtés du Maire de Saint  Denis, de parlementaires et militants de la FSGT. A ma demande, un hommage lui a également été rendu par le Conseil d’administration du CNOSF, une première que je  souhaitais saluer.

Né le 26 septembre 1908 près du Havre, Auguste Delaune est ouvrier soudeur et rejoint rapidement le combat syndical dans les rangs de la CGTU. En 1923, il adhère à un club sportif ouvrier, puis contribue à fonder le comité régional de la Fédération Sportive du Travail (FST) de Normandie. En 1926, sa famille s’installe à Saint-Denis.

Devenu adhérent du club pédestre de l’Etoile Rouge dans le 11ème arrondissement de Paris, il remporte en 1928 le cross de l’Humanité auquel il participe depuis son adhésion à la FST en 1923.

Auguste Delaune, qui avait trouvé un poste dans la Compagnie des wagons-lits, en sera renvoyé « en raison de ses activités extrémistes » , car, selon la police, il « se livrait en effet à une intense propagande parmi le personnel de la compagnie, ainsi qu’auprès de la jeunesse dionysienne en vue de recruter des adhérents au club sportif de cette localité dont il était membre » .

De retour du service militaire, il monte au secrétariat général national de la FST puis se retrouve coopté au comité exécutif de l’Internationale rouge des sports. Militant des jeunesses communistes, il participe avec sa première épouse, Lise Ricole, célèbre résistante devenue Lise London, à un séjour de formation politique à Moscou.

Revenu en France, il s’investit de plus en plus dans le sport travailliste, il avait pris de la distance en 1933 avec la JC suite à la mise à l’écart des militants favorables à l’Union avec les socialistes, et il prend une part active aux pourparlers unitaires avec les socialistes de l’USSGT (union sportive ouvrière socialiste).

Ces discussions et cette union des organisations sportives ouvrières communistes et socialistes donnent naissance le 24 décembre 1934 à la FSGT, Fédération Sportive et Gymnique du Travail. L’émotion est en effet à son comble au 33 rue de la Grange aux belles à Paris. A l’unanimité, les délégués déclarent je cite «Devant les menaces fascistes et les dangers de la guerre, les organisations sportives des travailleurs ne sauraient prolonger plus longtemps leurs divisions, ne méconnaissant pas les enseignements qui se dégagent des durs combats que la classe ouvrière des autres pays a dû engager contre des adversaires dont la victoire n’a été possible qu’en raison de la division ouvrière».

La création de la FSGT est également l’aboutissement tout au long de l’année 1934, débutée par la tentative de prise de pouvoir du parlement par l’extrême droite, de manifestations communes dans les rues de Paris et d’organisation d’évènements sportifs conjoints, pour dénoncer la montée du fascisme.

En tant que premier Secrétaire Général de la FSGT, aux côtés des deux premiers coprésidents, George Marrane Maire d’Ivry et Antonin Poggioli, Maire du Bourget, Auguste Delaune sera très investi dans la campagne contre les JO de Berlin en 1936 et jouera un rôle central dans l’aventure alternative des Olympiades populaires de Barcelone, un événement significatif de l’histoire du sport mais totalement oubliées de la Mémoire officielle. Auguste Delaune accompagne la délégation française, le poing levé, et quand Franco ouvre le coup d’Etat la veille de l’ouverture des Olympiades, il organise la solidarité de la FSGT avec les Républicains espagnols avec notamment en 1937 un camion FSGT de la solidarité.

Incarnation de l’influence de la toute jeune et dynamique FSGT sous le front populaire, Léo Lagrange, sous-secrétaire d’Etat aux sports qui sera ensuite qualifié par le régime de Vichy de «Ministre de la paresse», le nomme Auguste au conseil supérieur des sports.

Mobilisé en 1939, honoré de la médaille militaire et de la Croix de guerre pour avoir héroïquement participé à la campagne de France en mai-juin 1940, et j’en profite pour remercier la présence des associations des anciens combattants, cela n’empêche pas le régime de Vichy de le faire prisonnier le 6 décembre 1940 au camp d’internement de Châteaubriant aux côtés de Guy Mocquet, pour appartenance à un parti politique interdit, le parti communiste.

A son évasion en 1941, il rejoint la Résistance et anime le seul réseau de résistance dans le Sport «Sport libre» avec une publication du même nom qui dénonce le sort réservé par la politique antisémite de collaboration aux sportifs juifs tels qu’Alfred Nakache ou Young Perez, mais également le manque de moyens alloués par le régime de Vichy au sport. Sport libre finit par inquiéter les autorités qui font part de leur méfiance vis-à-vis je cite de l’action des communistes surtout verbales dans les clubs sportifs et groupements de jeunesse dénoncée par certains préfets de la zone occupée et par des membres des fédérations sportives et des dirigeants de clubs». Le préfet Bousquet a ainsi procédé à la dissolution de plusieurs cercles de tennis de table. Des responsables du club populaire et sportif du Xème par exemple sont arrêté et tués

Dénoncé par un collaborateur, la police française lui tend un guet-apens au Mans le 27 juillet 1943 sur le pont de Coëffort. En dépit d’une tentative avortée de libération, il est transféré à la prison de Vert galant au Mans. Il succombe après 15 jours de tortures de la Gestapo, le 12 septembre 1943, à l’âge seulement de 35 ans. Il n’a pas parlé, juste livré son faux nom, Paul Boniface. 

C’était il y a 80 ans jour pour jour. La FSGT continue de s’inscrire dans son héritage, en défendant l’idée qu’il ne peut y avoir de sport pour toutes et tous, dans une société qui n’est pas pour toutes et tous, et en proposant des contenus d’activités et formes d’organisations accessibles au plus grand nombre. Initiateur de l’ouverture de la FSGT sur la société, la FSGT s’inscrit dans la même démarche en cherchant toujours à innover pour s’adapter aux besoins de la population, en atteste aujourd’hui toutes les nombreuses initiatives qui se tiennent dans les comités départementaux et clubs de la FSGT, partout en France.

Chaque année, la FSGT organise également la Coupe de France de football Auguste Delaune en sa mémoire. Il s’agit de la deuxième coupe de France de football !

Le sport ne porte pas de valeurs éducatives en soi. Il peut être un outil d’oppression et de discrimination, comme il peut servir à l’émancipation des femmes, des hommes et des peuples. La montée de l’extrême droite en France, les guerres actuelles pour lesquelles nous avons de plus en plus de mal à entendre de nos dirigeants l’urgence de la paix et de cessez-le-feu, ainsi que les atteintes aux libertés associatives dont la FSGT est témoin toujours en 2023, nous obligent non seulement à ce devoir de Mémoire, mais aussi à croire au projet de démocratisation des activités physiques et sportives pour toutes et tous.

Car Auguste Delaune donne comme l’écrit Nicolas Kssis Martov «un visage à cette conviction qu’il était possible de vaincre le fascisme en lui opposant une culture politique de la joie de vivre». Tout au long de son histoire, la FSGT a gardé ce fil conducteur : combattre, dénoncer pas seulement avec des mots, mais également en organisant des activités sportives et associatives porteuses d’émancipation.

Fiers de notre histoire, de celle d’Auguste Delaune, lucide sur notre présent face à la montée de l’extrême droite et à l’atteinte aux libertés fondamentales, la FSGT entend poursuivre demain son combat, car sans aucun doute la vie associative restera un de ces espaces de solidarité et de fraternité dont nous aurons tant besoin demain.


Je vous remercie

Je rejoins la FSGT